La procédure législative
Le texte de Loi a été déposé par Madame LIMON le 30 juin 2020. Le 4 décembre 2020, ce texte a été adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture, puis par le Sénat le 20 octobre 2021. Le 3 novembre 2020, le gouvernement a engagé la procédure accélérée de ce texte (procédure dérogatoire qui permet l’adoption d’un texte de Loi en abrégeant les discussions parlementaires).
Suite à l’échec de la commission mixte paritaire (chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée Nationale et le Sénat), le 4 novembre 2021, la proposition de loi a été adoptée en nouvelle lecture par l’Assemblée Nationale, puis par le Sénat le 26 janvier 2022.
Cette Loi a été promulguée le 21 février 2022 et publiée au Journal Officiel le 22 février 2022.
L’adoption : c’est quoi ?
Selon le dictionnaire juridique de Serge BRAUDO, l’adoption désigne « une institution par laquelle une personne, mineur ou majeure, dite l’ « adoptée », entre dans la famille d’une autre personne, dite « l’adoptant » ». En d’autres termes, c’est la création, par une décision de Justice, d’un lien de filiation entre deux personnes, sans qu’il n’existe un lien de sang.
Il existe deux formes d’adoption : l’adoption simple et l’adoption plénière.
L’adoption plénière
L’adoption plénière, dont le terme est apparu avec la loi du 11 juillet 1966, créée une nouvelle filiation et remplace les liens d’origines de l’adopté. Il y a une rupture complète et irrévocable des liens de filiation entre l’adopté et sa famille d’origine.
L’adoption simple
L’adoption simple est le fait d’ajouter un lien de filiation entre l’adopté et le (ou les) adoptant(s). Ce nouveau lien de filiation ne rompt pas le lien de filiation existant entre l’adopté et sa famille d’origine (l’obligation alimentaire persiste par exemple). Il y a donc la coexistence de deux liens de filiation : entre l’adopté et sa famille d’origine et entre l’adopté et le ou les adoptants.
L’article 364 du Code civil a été réécrit par la Loi du 21 février 2022 afin de consacrer le double lien de filiation qu’introduit l’adoption simple. Cet article dispose désormais que : « L’adoption simple confère à l’adopté une filiation qui s’ajoute à sa filiation d’origine. L’adopté conserve ses droits dans sa famille d’origine ». Par cet article, l’effet principal de l’adoption est mis en avant : l’ajout d’un lien de filiation, contrairement à l’adoption plénière dont le lien de filiation créé a un effet substitutif.
Les changements opérés par la Loi du 21 février 2022.
A. Sur les conditions concernant l’adoptant (article 1er de la loi du 21 février 2022).
1. Avant le 21 février 2022
Il s’agissait de toute personne de plus de 28 ans (ancien article 343-1 du Code civil) ou tout couple marié, non séparés de corps, dont le mariage avait duré au moins 2 ans, âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans (ancien article 343 du Code civil). L’adoptant , même marié, devaient avoir quinze ans de plus que l’adopté, sauf en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, dont la différence d’âge est abaissé à 10 ans (ancien article 344 du Code civil).
2. Depuis le 21 février 2022
Le nouvel article 343 du Code civil disposant que l’adoption est ouverte à toutes les formes de couple (PACS, concubinage, mariage) et l’article 343-1 du même Code disposant que l’adoption est ouverte pour les individus souhaitant adopter seuls, viennent modifier les conditions relatives aux adoptants. Désormais, l’adoption plénière pourra être demandée « par un couple marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins ». Le couple devra apporter « la preuve d’une communauté de vie du couple d’au moins un an ». L’âge du ou des adoptants est fixé à vingt six ans.
La réforme permet donc une facilitation de l’adoption conjugale en réduisant le délai de communauté de vie entre les adoptants, et en diminuant la condition d’âge minimal.
L’ouverture de l’adoption à toutes les formes de couple a un impact sur la rédaction de l’article 370-3 du Code civil relatif aux conflits de loi :
- Le droit antérieur à la réforme. Selon l’ancienne rédaction de l’alinéa 1er de l’article 370-3 du Code civil, l’adoption était soumise à la loi nationale de l’adoptant ou à la loi régissant l’union des époux.
- Le droit actuel. Selon la nouvelle rédaction de l’alinéa 1er de l’article 370-3 du Code civil, les conditions d’adoption sont soumises à « la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de la juridiction saisie ». La règle de conflit de loi est désormais étendue aux couples non mariés
B. Sur l’adoption plénière des enfants de plus de 15 ans (article 3 de la loi du 21 février 2022).
1.Avant la loi du 21 février 2022.
Selon l’ancienne rédaction de l’article 345 du Code civil, l’adoption plénière des mineurs de plus de 15 ans ne pouvait être permise que sous certaines conditions :
- l’enfant avait été accueilli avant ses quinze ans par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter.
- l’enfant avait fait l’objet d’une adoption simple.
Si une des conditions étaient remplies, l’adoption plénière pouvait être demandée pendant la minorité de l’enfant et dans les 2 ans suivant sa majorité.
2. Depuis la loi du 21 février 2022.
Les conditions de l’ancienne rédaction de l’article 345 du Code civil reste inchangée. Cependant, la réforme ouvre de nouveaux cas d’adoption plénière. Notamment le nouvel article 345 du Code civil fait un renvoi à l’article 345-1 du Code civil, permettant l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, concubin ou de l’époux si :
- l’enfant a une filiation établie qu’à l’égard du compagnon
- lorsque l’autre parent s’est vu totalement retirer l’autorité parentale
- lorsque l’autre parent est décédé et « n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant ».
En outre, le délai pour présenter une demande d’adoption plénière a été modifié puisqu’il est désormais de 3 ans suivant la majorité de l’enfant (et non plus de 2 ans), c’est-à-dire jusqu’aux 21 ans de l’enfant.
C. La question du placement en vue de l’adoption (article 4 de la loi du 21 février 2022)
1. L’élargissement de la procédure de placement à l’adoption simple
La Loi crée un article 361-1 dans le Code civil au sein du chapitre concernant l’adoption simple disposant que « le placement en vue de l’adoption est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d’un pupille de l’Etat ou d’un enfant déclaré judiciairement délaissé ».
2.L’article 351 du Code civil a été réécrit.
L’alinéa 1er dispose désormais que : « Le placement en vue de l’adoption prend effet à la date de la remise effective aux futurs adoptants d’un enfant pour lequel il a été valablement et définitivement consenti à l’adoption, d’un pupille de l’Etat ou d’un enfant déclaré délaissé par décision judiciaire ».
Un nouvel alinéa 2 est crée disposant : « Les futurs adoptants accomplissent les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption ». L’insertion de cet alinéa permet de consacrer les pouvoirs accordés aux adoptants lors du placement.
D. La prise en compte du consentement de l’enfant de plus de 13 ans à son changement de prénom ou de nom (article 8 de la loi du 21 février 2022).
Le consentement de l’enfant de plus de 13 ans en cas de changement de prénom. Au dernier alinéa de l’article 357 du Code civil est ajouté : « Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement est requis ».
Le consentement de l’enfant de plus de 13 ans en cas de changement de nom. Au dernier alinéa de l’article 363 du Code civil est ajouté : « Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire ».
Il s’agit là une prise en compte des souhaits de l’enfant, mais également une harmonisation des règles relatives au changement de nom et de prénom avec l’exigence du consentement des mineurs de plus de 13 ans.
E. La possibilité d’établir la filiation d’un enfant né d’une PMA d’un couple de femme séparée (article 9 de la loi du 21 février 2022)
La Loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 qui avait élargi l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, avait mis en place un nouveau mode de filiation pour les enfants nés d’une PMA au sein d’un couple de femmes : il fallait établir devant Notaire une reconnaissance conjointe de l’enfant avant sa naissance. Ce procédé était également ouvert aux couples de femmes ayant eu recours à la PMA à l’étranger avant la publication de la loi et pendant un délai de trois ans (soit jusqu’en 2024) permettant d’établir la filiation entre l’enfant en question et la femme n’ayant pas accouché (article 6 IV de ladite Loi).
L’article 9 de la loi du 21 février 2022, ouvre la possibilité pour celle qui n’a pas accouché de demander l’adoption de l’enfant né d’une PMA à l’étranger malgré :
- l’absence de lien conjugal (la séparation avec la mère biologique)
- l’absence ou le refus de consentement de la mère biologique (sauf si celui-ci est justifié par un motif légitime)
- le non respect de la durée d’accueil de l’enfant au foyer
L’adoption sera prononcée par le Tribunal « s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige » et statuera « par une décision spécialement motivée ».
Le délai est allongé et est désormais de 3 ans à compter de la publication de la loi du 21 février 2022, soit jusqu’en 2025.
Malgré une avancée majeure, le champ d’application de cet article est limité car il concerne seulement les mères ayant eu recours à une PMA réalisée à l’étranger avant le 2 août 2021 (date de la loi sur la bioéthique).
D. L’insertion de nouveaux articles
Sur l’interdiction de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs (article 6 de la loi du 21 février 2022). Un article 343-3 est inséré au Code Civil disposant que : « L’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs est prohibée. Toutefois, le tribunal peut prononcer l’adoption s’il existe des motifs graves que l’intérêt de l’adopté commande de prendre en considération ».
Sur l’ouverture de l’adoption du mineur âgé de plus de treize ans ou du majeur protégé hors d’état de donner son consentement (article 7 de la loi du 21 février 2022). Un article 348-7 est inséré au Code Civil disposant que « Le tribunal peut prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne ».
G. La définition de l’adoption internationale consacré dans le Code Civil (article 11)
Selon le nouvel article 370-2-1 du Code civil :
« L’adoption est internationale :
1° Lorsqu’un mineur résidant habituellement dans un Etat étranger a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers la France, où résident habituellement les adoptants ;
2° Lorsqu’un mineur résidant habituellement en France a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers un Etat étranger, où résident habituellement les adoptants ».
« Ce texte riche, complet, précis, aura un impact direct et bénéfique sur le quotidien et le développement de milliers d’enfants dans notre pays. Il permet d’ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance. Avec cette loi, nous continuons d’avancer dans la voie d’une meilleure prise en compte des besoins des enfants, en leur assurant des projets de vie pleinement sécurisants, à même de répondre à leurs attentes »
(Adrien TAQUET, secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé).
Si vous êtes dans une de ces situations ou que vous souhaitez obtenir plus de renseignements sur l’adoption, n’hésitez pas à contacter Maître DEMONT