Le régime de l’indemnisation de la détention provisoire a été modifié par les lois des 15 juin et 30 décembre 2000.
Avant la réforme, l’indemnisation était conditionnée à la démonstration d’un préjudice manifestement anormal et d’une particulière gravité. Cette exigence a été supprimée. Désormais, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire et bénéficie d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive , peut demander la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Les conditions
La demande est conditionnée au prononcé d’une décision de relaxe, d’acquittement ou de non lieu devenue définitive. Autrement dit, aucun recours ne doit plus pouvoir être exercé à l’encontre de cette décision.
Cette indemnisation peut être également accordée dans le cas où la personne a été condamnée puis, après un recours en révision, innocentée.
La procédure
La demande d’indemnisation doit être adressée, sous forme de requête, dans un délai de 6 mois à compter de la décision statuant sur l’innocence du détenu, au Premier Président de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement a été prononcée (article 149-2 du Code de procédure pénale).
Ce délai de 6 mois ne commence à courir que lorsque la personne, déclarée innocente, a eu connaissance de son droit à indemnisation et de la procédure y afférente. A défaut, le délai n’a pas commencé à courir et la requête déposée au-delà du délai doit être déclarée recevable (CNRD , 11 octobre 2004 , n°4C-RD.005)
Cette requête doit être motivée et accompagnée de la décision de non-lieu, d’acquittement ou de relaxe, de pièces justifiant la détention provisoire et du préjudice subi.
Après un échange d’écritures entre le Procureur Général, l’Agent judiciaire du Trésor et le requérant, une audience est fixée qui est, en principe, publique, sauf opposition du requérant.
La décision
La décision rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel qui accorde une réparation est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Dans les 10 jours de la notification de la décision au demandeur et à l’agent judiciaire du Trésor, la décision peut faire l’objet d’un recours devant la Commission nationale de réparation des détentions (article 149 alinéa 3 du Code de procédure pénale). La décision rendue par cette Commission ne peut faire l’objet d’aucun recours.
La réparation du préjudice
Le préjudice matériel
A titre d’exemple, sur le préjudice matériel, il a été jugé que peut être indemnisé(es) :
- la perte de salaire subie pendant la détention et, après la libération, pendant le temps nécessaire à la recherche d’un nouvel emploi (CNRD, 21 octobre 2005, n°5C -RD.005);
- la perte de chance de suivre une scolarité ou une formation (CNRD, 2 mai 2006, n°5C-RD.071) ;
- les frais de transport que le demandeur a engagé pour que son épouse puisse lui rendre visite (CNRD, 14 décembre 2005, n°5C-RD.036) ;
Le préjudice moral
Le préjudice moral de la personne incarcérée à tort résulte, selon la Commission, « du choc carcéral ressenti par une personne brutalement et injustement privée de liberté« .
Le préjudice peut être considéré comme aggravé en fonction de la situation personnelle du détenu et des conditions difficiles de détention. Il a été jugé que la séparation d’un père et de son nouveau-né était une source d’aggravation (CNRD, 17 décembre 2004, n°4C-RD.014).
Il peut être également minoré par l’existence d’un passé carcéral.
Statistiques
En 2022, 547 demandes de réparation pour détention provisoire ont été recensées par les Cours d’appel françaises.
- 52 % ont pour origine une relaxe ;
- 31 % ont pour origine un non-lieu ;
- 17 % ont pour origine un acquittement.
83 % de ces demandes d’indemnisation ont été accordées, représentant un montant d’indemnisation de 11,2 millions d’euro, soit une moyenne de 25 900 € par dossier en 2022.