L’arrêt du 6 juillet 2022 rendu par la Cour de cassation.
Le 26 décembre 2013, une salariée est convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction en lien avec la mise en cause de ses méthodes de management. En arrêt de travail depuis le 14 novembre 2013, la société lui notifie une mutation disciplinaire par une lettre recommandée à laquelle est joint un projet d’avenant au contrat de travail correspondant au nouveau poste.
Elle signe cet avenant le 3 février 2014.
Le 31 juillet 2017, la salariée est déclarée inapte à reprendre le travail et licenciée 27 août 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée saisit le Conseil des Prud’hommes en invoquant l’existence d’un harcèlement moral à l’origine de son inaptitude et demande, outre le paiement de diverses sommes, la nullité de son licenciement.
En effet, lors d’une réunion du 30 septembre 2013, une collaboratrice faisant partie de l’équipe dirigée par la salariée avait demandé un entretien avec sa hiérarchie.
Suite à cet entretien, une enquête interne avait été mise en œuvre sur des allégations de harcèlement moral de cette collaboratrice à l’encontre la demanderesse.
Cependant, il s’est avéré que cette enquête a été diligentée par le supérieur hiérarchique de la demanderesse dont la mésentente entre eux deux était notoire. Dès lors, l’impartialité de l’enquête interne n’était pas respectée.
En outre, la Cour de cassation relève qu’une mutation disciplinaire lui avait été notifiée avant même que l’enquête interne ne soit présentée au Comité de direction. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la mise en cause brutale de la salarié qui faisait état d’une ancienneté importante et qui n’avait jamais fait l’objet de « quelconque rappel à l’ordre ou une quelconque mise en garde » et « le retentissement qui avait accompagné l’enquête interne, le recueil d’attestations, la sollicitation d’un consultant et l’annonce prématurée de la sanction du 13 novembre 2013, sujette à ébruitement« , constituait un caractère humiliant pour ladite salariée. D’autant plus que cette suite à cette enquête, la santé physique et mentale de la salariée demanderesse s’était dégradée.
La Cour de cassation en déduit alors « la mise en cause, précipitée et humiliante, de la salariée, sans ménagement ni précautions suffisantes au moins jusqu’à l’issue de la procédure disciplinaire engagée, constituait un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité« .
La dégradation de la santé physique et morale de la salariée présentait un lien de causalité directe avec les modalités de l’enquête interne à savoir notamment : la mésentente notoire entre la demanderesse et celui qui a diligenté l’enquête, la brutalité des mesures et le retentissement de l’enquête interne.
Dès lors, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité puisqu’il n’a pris aucune mesure permettant de préserver la santé physique et mentale de sa salariée.
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Le contexte législatif de l’arrêt du 6 juillet 2022
Les enquêtes internes sont des dispositifs d’instruction souvent menées après un signalement dans le cadre d’une alerte interne rendue obligatoire en France avec la
loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mère et des entreprises donneuses d’ordre.
En effet, cette loi a instauré de nouvelles obligations et notamment celle d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance dans l’objectif d’ » identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation ».
En outre, ce dispositif d’instruction peut aussi être mis en lien avec les articles et 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.