Le Code du travail ne donne pas de définition de l’abandon de poste et c’est donc la jurisprudence qui a dû en fixer le cadre juridique.
Ainsi, l’abandon de poste est caractérisé lorsqu’un salarié, quel que soit son statut, est absent sur son temps de travail, de manière répétée et injustifiée, sans autorisation de son employeur ni justificatif.
Dès lors qu’un abandon de poste est caractérisé, l’employeur se doit de mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre ses fonctions.
A. Avant la Loi du 17 novembre 2022
L’abandon de poste n’était pas assimilé à une démission. En effet, une démission se doit d’être claire et non équivoque et ne peut se déduire d’absences injustifiées.
Dès lors, l’employeur se trouvait, systématiquement, contraint de sanctionner disciplinairement le salarié, pouvant aller jusqu’à son licenciement pour faute.
Dans le cadre de ce licenciement, le salarié se voit accorder diverses indemnités (indemnité de licenciement, indemnité de préavis, indemnité compensatrice de congés payés) outre une prise en charge par Pôle Emploi.
B. Depuis la Loi du 17 novembre 2022
Le 17 novembre 2022, une Loi portant sur les mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été définitivement votée.
Elle insère un article L1237-1-1 au sein du Code de travail prévoit une présomption simple de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié, dans le cas, cependant, où l’employeur aura préalablement adressé une mise en demeure au salarié et qui sera restée vaine.
Il sera précisé que le salarié doit nécessairement être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail.
A l’issue du délai imparti, le salarié qui n’a ni justifié de son absence, ni réintégré son poste de travail, peut être considéré comme démissionnaire. Il en est de même si, en réponse à la mise en demeure, le salarié précise qu’il ne reviendra pas travailler.
Cependant, le salarié pourra, de son côté, saisir le Conseil de Prud’hommes afin de contester la qualification de la rupture de son contrat de travail. L’affaire sera alors directement portée devant le bureau de Jugement qui, dans un délai d’un mois, se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées.
En effet, la présomption instaurée étant une présomption simple, celle-ci peut être renversée par la preuve contraire, laquelle peut être apportée par tous moyens.
L’une des principales conséquences de cette analogie entre démission et abandon de poste est que le salarié concerné ne sera pas pris en charge par Pôle emploi et ne percevra, au demeurant, pas d’indemnité de licenciement. Il ne pourra prétendre qu’à une indemnité de préavis et une indemnité compensatrice de congés payés.
Depuis le 21 décembre 2022, cette loi a été promulguée.
Ainsi, l’employeur pourra invoquer la présomption de ce nouvel article pour mettre fin au contrat de travail.
Un décret du 17 avril 2023, publié le 18 avril 2023 permet de préciser les modalités d’application de cette présomption de démission en cas d’abandon de poste.
Il est précisé que lorsque l’employeur qui entend faire valoir cette présomption, devra :
- mettre en demeure le salarié, « par lettre recommandée ou par lettre remise en main-propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste ». Étant précisé que le salarié a 15 jours calendaires, incluant donc les week-ends et les jours fériés (ce délai débute à la date de présentation de la lettre recommandée au domicile du salarié ou à la date de la remise de la lettre en mains propres – Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 18/12/2024, 473640).
- s’assurer que le salarié n’entend pas se prévaloir d’un motif légitime « de nature à faire obstacle à une présomption de démission, tel que, notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur » en réponse à la mise en demeure. Étant précisé que celle liste n’est pas exhaustive, mais seulement indicative, le salarié pouvant invoquer un autre motif.
Cependant, des incertitudes demeurant quant à l’application de la loi dans le temps. En effet, si l’on connaît les modalités d’application de l’abandon de poste intervenant à compter du 19 avril 2023, l’on peut valablement se demander qu’en est-il pour ceux intervenus antérieurement ? Actuellement, aucune précision n’a été apportée sur ce sujet.
⚠️Une question reste en suspend : un employeur peut-il, en lieu et place de la procédure de présomption de démission, procéder au licenciement pour faute de son salarié ? En avril 2023, le Ministère du travail a d’abord répondu, dans une « foire aux questions », que l’employeur n’avait « plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ». Cette formulation ambigue semblait indiquer que la procédure d’abandon de poste était exclusive du licenciement. Suite à diverses contestations, ladite foire aux questions a été retiré du Site du Ministère du travail ; la question restant alors sans réponse.