Un barème controversé.
Suivant Ordonnance en date du 22 septembre 2017, le Législateur a instauré un barème fixant l’indemnité versée par l’employeur à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (article L1235-3 du Code du travail). Précisément, ce barème plafonne le montant d’indemnité pouvant être accordée au salarié allant d’un mois de salaire brut à vingt mois.
Ce barème prend en compte l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ainsi que l’effectif. Ce dernier critère permet de distinguer 2 barèmes : le premier concernant les entreprises employant 11 salariés ou plus et le second concernant les entreprises employant moins de 11 salariés.
A titre d’exemple, un salarié ayant 10 ans d’ancienneté licencié sans cause réelle et sérieuse par une entreprise employant 11 salariés ou plus a droit à une indemnité oscillant entre 2,5 et 10 mois de salaire brut.
L’objectif de ce barème est l’harmonisation de l’indemnisation des salariés sur le territoire national et donc, de donner à l’employeur une sécurité juridique en ce qu’il connaît, par avance, le montant approximatif des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. En ce sens, l’Ordonnance du 22 septembre 2017 indique être « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail« .
Depuis sa mise en place, ce barème dit « barème MACRON » a parfois été écarté ou jugé inapplicable par certains Conseils de Prud’hommes ou certaines Cours d’Appel en s’appuyant sur la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et sur l’article 24 de la Charte sociale européenne qui prévoient que les salariés licenciés sans motifs valables ont le droit à une indemnité dite « adéquate » ou une « autre réparation appropriée ».
Il était notamment reproché au barème qu’il ne prenait pas en compte les situations particulières pouvant justifier une indemnité plus élevée (telle que l’âge du salarié licencié).
Pour un exemple, décision du conseil de prud’hommes de Lyon, 21 décembre 2018, n° 18/01238.
Le Conseil Constitutionnel saisi par plus de 60 députés a, par une décision en date du 21 mars 2018, conclu a la conformité du barème à la constitution (Décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018).
La position de la Cour de cassation.
Dans un premier temps,
La Cour de Cassation a été saisie par plusieurs Conseils de prud’hommes d’une demande d’avis concernant la conformité du « barème Macron » aux textes internationaux. Elle s’est prononcée le 17 juillet 2019 dans deux avis (n°19-70.010) retenant que :
- l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas applicable en l’espèce ;
- l’article 24 de la Charte Sociale Européenne n’a pas d’effet direct en droit interne ;
- l’article L1235-3 du Code du travail est compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.
Malgré ces avis, certains Conseils de prud’hommes ont continué à écarter l’application du barème (par exemple, CPH du Havre, 10 septembre 2019, n°18/00413). Certaines Cours d’Appel se sont également prononcées en faveur de la possibilité d’écarter le « barème Macron » notamment la Cour d’Appel de REIMS dans un arrêt en date du 25 septembre 2019 (n°19/00003). La Cour y retient la conventionnalité du « barème Macron » mais indique que « le contrôle de conventionnalité ne dispense pas […] d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné ».
Dans un second temps,
La Cour de Cassation a rendu deux décisions, le 11 mai 2022, validant l’application du barème (pourvois n° 21-14.490 et 21-15.247).
Dans la première affaire (chambre sociale, Cour de cassation, n°21-14.490), une salariée avait perçu 32 000 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et estimait que ce montant ne réparait pas la totalité de son préjudice et qu’il ne représentait pas une indemnisation adéquate au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT.
Ce raisonnement a été censuré par la Cour de cassation qui affirme que le barème est « de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée » en ce qu’il tient compte de l’ancienneté et du salaire du salarié permettant d’indemniser, de manière raisonnable, la perte de l’emploi.
Ainsi, « les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention ».
Dans la seconde affaire (chambre sociale, Cour de cassation, n°21-15.247), une salariée avait perçu 48 000 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et estimait, elle aussi, que ce montant ne réparait pas la totalité de son préjudice. Elle souhaitait que l’article L. 1235-3 du code du travail soit considéré comme contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne.
La Cour de Cassation, a écarté l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne et, par conséquent, dit qu’il n’était pas possible pour un employeur ou un salarié de s’en prévaloir devant le Juge en charge de trancher le litige. Par cette décision, la Cour de Cassation maintient sa position adoptée dans ses avis de 2019.
Ainsi, la Cour de Cassation entend faire appliquer strictement le « barème MACRON ». Selon elle, il est seulement possible « d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail »
La Cour de cassation a donc mis fin à une jurisprudence qui remettait en cause le « barème MACRON », parfois en l’écartant, parfois en le jugeant inapplicable. Ce barème doit être appliqué.
Le Cabinet de Maître DEMONT vous conseille en droit du travail, et peut vous accompagner dans toute procédure prud’homale. N’hésitez pas à nous consulter.