Principe
L’article 815-13 du Code civil dispose que « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés ».
S’agissant du remboursement des mensualités d’un emprunt souscrit pour l’acquisition d’un bien indivis, la jurisprudence considère qu’il s’agit d’une dépense de conservation et qu’il doit donc en être tenu compte lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux (Cass. 1e civ., 20 janvier 2010, n°08-19.739). Ainsi, le concubin qui a remboursé intégralement les mensualités d’un emprunt détient, en principe, une créance contre l’indivision.
Exceptions
L’existence d’une volonté commune permet de mettre en échec ce principe, de sorte que le concubin indivisaire, qui a réglé intégralement les mensualités d’un emprunt, ne détient pas de créance contre l’indivision. Soit cette volonté est exprimée dans une convention écrite, soit elle résulte d’un accord tacite.
Existence d’une convention entre les parties
Alors que les époux sont tenus de contribuer aux charges du mariage (article 214 du Code civil), aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune.
Cependant, ils peuvent créer, eux-mêmes, cette obligation en aménageant conventionnellement, par écrit, la contribution de chacun.
Cet accord peut aussi être tacite.
Existence d’un accord tacite
La Cour de cassation a ainsi approuvé les Juges du fond qui, après avoir « constaté qu’au cours de la période de vie commune, M. X… remboursait les échéances de remboursement de l’emprunt et Mme Y… assumait les charges de la vie courante, (…) en ont souverainement déduit qu’il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, justifiant que M. X… conservât la charge des échéances du crédit immobilier » (Cass. 1e civ. 10-6-2015 n° 14-18.442). Le concubin ayant réglé seul l’emprunt immobilier ne pouvait donc pas revendiquer de créance contre l’indivision.
Très récemment, la Cour d’Appel de CAEN a repris cette solution en considérant que « si aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées, cependant, les concubins peuvent convenir d’un accord relatif à la répartition des charges de la vie commune entre eux, dont font partie les dépenses exposées pour assurer le logement de la famille. Dans cette hypothèse, le concubin qui a remboursé seul les échéances du prêt immobilier ne peut pas revendiquer de créance sur l’indivision puisque cette dépense est considérée comme sa participation aux dépenses de logement de la famille. » Et la Cour d’Appel de considérer que « si aucune convention écrite n’est signée, il convient de rechercher s’il existait un accord tacite de répartition des charges de la vie commune entre les concubins ». De là, et après examen des éléments de la cause, la Cour d’Appel a pu retenir « que chacun des concubins a participé aux charges de la vie de famille sans sur-contribution de la part de M. [Y], qu’ainsi ce dernier acquittait notamment les échéances de remboursement de l’emprunt tandis que Mme [X] assumait une part essentielle des charges de la vie courante, ce dont il se déduit qu’il existait une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, de sorte que M. [Y] doit conserver la charge des échéances du prêt immobilier, sans qu’il y ait lieu à établissement de comptes entre les concubins sur ce point » (CA CAEN, 3ème chambre civile, 4 mai 2023, RG n°19/02150)
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