Le principe en matière d’heures supplémentaires : un partage de la charge de la preuve.
L’article L3171-4 du Code du Travail dispose que
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
Ces dispositions ont été complétées par la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation :
- Arrêt du 18 mars 2020, 18-10.919 : « il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ».
- Arrêt du 13 février 2002, 00-40.836 : « l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ».
Cependant, force est de constater que la jurisprudence est de plus en plus favorable aux intérêts des salariés concernant la charge de la preuve des heures supplémentaires.
Une jurisprudence favorable au salarié.
La charge de la preuve.
Comme indiqué supra, en matière d’heures supplémentaires, le principe est le partage de la charge de la preuve.
La Cour de cassation l’a rappelé, dans un arrêt du 24 avril 2003 : « la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ».
Cependant, dans un arrêt du 25 février 2004, elle a précisé qu’il appartient au salarié de « fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande« . Selon la doctrine majoritaire, le verbe « étayer » témoigne d’une plus grande souplesse que le verbe « prouver« .
Ainsi, la Cour de cassation a pu décider que le Juge « ne peut rejeter une demande en paiement d’heures complémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande » (Cour de cassation, Chambre sociale, du 10 mai 2007, 05-45.932).
L’administration de la preuve.
Ce mouvement jurisprudentiel, allant dans un sens favorable au salarié, s’étend à la question de l’administration de la preuve (c’est à dire les preuves admises).
En effet, la Cour de cassation a pu admettre la validité :
- d’un décompte d’heures établi par un salarié, calculé mois par mois, sans explication ni indication complémentaire (arrêt du 24 novembre 2010) ;
- les mentions d’un agenda personnel, corroborées par des attestations de collègues (arrêt du 8 décembre 2010) ;
- un décompte des heures de travail, tenu par le salarié, mentionnant jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures quotidien et le total hebdomadaire sans préciser les éventuelles pauses méridiennes (arrêt du 27 janvier 2021) ;
- des feuilles d’enregistrement des heures de travail faisant apparaître une amplitude de 9 heures par jour et sur une base de 45 heures, sans toutefois faire mention du début et de la fin de la journée de travail ni préciser l’amplitude des pauses déjeuner (arrêt du 5 janvier 2022)
- tableaux relatifs aux heures complémentaires et supplémentaires, établis par mois et non par semaine (arrêt du 16 mars 2022).
Etant précisé que ces deux derniers arrêts précisent que « le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ».
L’employeur doit alors fournir des éléments de preuve permettant de contester ceux fournis par le salarié, quels qu’ils soient.
Malgré un principe de partage de la charge de la preuve, la tendance jurisprudentielle tend ainsi, implicitement, vers une charge de la preuve incombant à l’employeur.