Limitation de la durée et encadrement de l’enquête préliminaire.
Au terme de la Loi votée le 18 novembre 2021 (promulguée le 22 décembre 2021 et publiée le 23 décembre 2021 au Journal Officiel), la durée de l’enquête préliminaire sera limitée à deux ans à compter du premier acte d’enquête, y compris lorsque ce dernier est intervenu lors de l’enquête de flagrance. Il sera cependant possible d’allonger ce délai d’un an sur autorisation écrite et motivée du parquet (nouvel article 75-3 du Code de Procédure Pénale).
Rappel : Avant la publication de la loi, l’article 75-1 du Code de Procédure Pénale prévoyait que : « Le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée ». Aucun délai concret n’était fixé, même si une Circulaire de la Chancellerie du 4 décembre 2000 préconisait un délai de 6 mois.
Exception : en matière de criminalité organisée et de terrorisme, les enquêtes pourront durer trois ans, avec une possible prolongation de deux ans.
En outre, à tout moment de l’enquête préliminaire, le Procureur de la République pourra décider qu’une copie de tout ou partie du dossier pénal pourra être accessible à la victime, à la personne mise en cause, ou à leurs Avocats afin qu’ils puissent formuler des observations. Cependant, cette décision ne doit pas porter atteinte à l’efficacité et au respect des investigations (nouvel article 77-2 I du Code de Procédure Pénale).
La personne mise en cause pourra demander au Procureur de la République l’accès au dossier pénal (nouvel article 77-2 II du Code de Procédure Pénale), par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé. Il sera possible de faire une telle demande lorsque :
- La personne mise en cause a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue s’étant déroulée il y a plus d’un an ;
- Une perquisition s’est déroulée au domicile de la personne mise en cause il y a plus d’un an
- Les médias portent atteinte à la présomption d’innocence de la personne mise en cause
Les articles 75-3 et 77-2 du Code de Procédure Pénale entrent en vigueur immédiatement mais ne sont applicables qu’aux enquêtes ouvertes après la publication de la Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
« Je veillerai à ce que les enquêtes préliminaires restent préliminaires et ne soient pas éternelles, comme c’est, hélas, parfois le cas. (…) Il convient de trouver un juste équilibre entre l’efficacité de l’enquête et le principe du contradictoire sans lequel la justice n’est rien »
Eric DUPONT-MORETTI – 7 Juillet 2020
Quelques autres dispositions :
L’enregistrement vidéo des audiences (nouvel article 38 quater de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Par dérogation à l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les audiences judiciaires et administratives pourront être enregistrées ou filmées « pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique » et si cela ne porte pas atteinte au bon déroulement du procès et des débats, à l’exercice des droits par les parties et à ceux des personnes enregistrées.
Étant précise que la diffusion de l’affaire ne pourra intervenir qu’à partir du moment où l’affaire sera définitivement jugée.
Aggravation des peines en cas de violation du secret de l’instruction (modification de l’article 434-7-2 du Code Pénal). La peine passe de 2 à 3 ans et de 30 000 € à 45 000 € d’amende. Si l’enquête ou l’instruction concerne un crime ou un délit punit de 10 ans d’emprisonnement, les peines passent de 5 à 7 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende à 100 000 € d’amende.
La montée en puissance de la répression des crimes en séries (création d’un nouveau titre XXV bis dans le Code de Procédure Pénale). Un pôle national spécialisé dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidés va être créé. Il sera composé de magistrats spécialisés.
Il est a noter que cette Loi ordinaire du 22 décembre 2021 a été complétée par une Loi organique du même jour prévoyant notamment la généralisation des cours criminelles départementales au premier janvier 2023 (nouveaux articles 181-1 et 181-2 du Code de Procédure Pénale). Pour rappel, l’existence des cours criminelles départementales étaient en expérimentation depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Expérimentation qui devait s’achever le 1er janvier 2022.
En outre, cette loi organique prévoyait comme « de droit », l’enregistrement des audiences devant la Cour de Justice de la République (compétente pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions). Mais le Conseil Constitutionnel a censuré cette disposition aux motifs que le projet n’était pas assez précis sur les modalités de cet enregistrement.
La procédure législative
Le 14 avril 2021, le garde des sceaux et ministre de la Justice, Éric DUPONT-MORETTI a présenté deux projet de loi visant à renforcer la confiance des Française envers la Justice française.
Le 25 mai 2021, les textes ont été adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat le 28 et 29 septembre 2021.
Le 16 novembre 2021, un texte de compromis a été adopté par l’Assemblée Nationale tel qu’il avait été élaboré par la commission mixte paritaire le 21 octobre 2021.
Le 18 novembre 2021, le Sénat a définitivement adopté les projets de Lois, modifié par six amendements du gouvernement.
Le 19 novembre 2021 et par application de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution, M. le Premier Ministre a saisi, le Conseil Constitutionnel.
Le 17 décembre 2021, le Conseil Constitutionnel a déclaré les textes conformes à la Constitution française (décision n°2021-830).
Le 22 décembre 2021, la loi ordinaire et la loi organique ont été promulguées.
Le 23 décembre 2021, les Lois ont été publiées au Journal Officiel.